Elisabeth OLLÉ CURIEL Espagnole, b. 1960
Fiesta Las Tuyas, 1995
Huile sur toile
130 x 97 cm
€4,000.00
Dans ses jungles la couleur chante à pleine voix, faisant naitre magiquement la lumière dans le bleu, le rouge, le vert des songes, les couleurs translucides ou épaisses, irradiantes et...
Dans ses jungles la couleur chante à pleine voix, faisant naitre magiquement la lumière dans le bleu, le rouge, le vert des songes, les couleurs translucides ou épaisses, irradiantes et pulvérisées. Les arbres croissent fortement au sein d'une force obscure. Les froissements de feuilles, les gouttes d'eau, les bruissements des insectes créent une nostalgie du primordial. Au centre de cette nature mystérieuse, il y a la terre-mère protectrice ambivalente. A la lumière du dualisme, les divinités sont liées aux énergies cosmiques et aux phénomènes naturels : le jour et la nuit, la vie et la mort. Ce sanctuaire de vie, asile de puissances occultes est le lieu sacré de la rencontre de l'Autre, du dialogue entre plusieurs identités introduites par les mythes et les légendes anciennes. Les feuilles sont mêlées à d'étranges figures qui ne se distinguent pas de cette végétation, dans la poussière trouble et colorée des masques, la forêt étant le règne du simulacre et des métamorphoses, de la vie végétale et animale.
Sa peinture ouvre à un décor caraïbe et comme enchanté de divinités, avec l'insertion d'images, de signes et de symboles provenant des mythes, des religions et de la présence d'un héritage africain. Les masques semblent des réminiscences ancestrales qui font émerger un lieu singulier, celui du feu de la mémoire et du désir, renaissant sous les racines, grâce à la brûlure d'un pinceau dénudant les choses, les éléments et le cœur des hommes.
En 1907, Henri Rousseau dit Le Douanier introduisait avec La charmeuse de serpents une scène mystérieuse dont l'énigme révélait une vision inspirée. Cet hommage onirique au jardin perdu n'est pas sans évoquer l'idée que les Européens de la fin du XVe siècle se faisaient du Paradis terrestre. Un Eden si l'on en croit le troisième journal de bord de Christophe Colomb confondant la péninsule de Paria, - l'actuel Venezuela - et l'embouchure de l'Orénoque avec l'un des fleuves du Paradis. "La petiteVenise" des Amériques, telle qu'elle est nommée par Alonso de Ojeda, compagnon de route de Colomb est investie dès 1498. Terre foisonnante de paradoxes, le Venezuela devient le lieu de la synthèse culturelle et des origines de l'artiste. Le langage, la nature, les femmes, les mères contribuent à créer un univers pictural, géographique et poétique. La peinture est alors une danse sacrale et chimérique, un retour à la mère qui permet à Elisabeth, exilée dans un monde perdu, de retrouver ses origines. La langue de l'enfance est celle de la couleur de la forêt amérindienne. C'est de cette nostalgie qu'il est question, de cette volonté de ne pas dissocier la mère de la part d'inconnu qui demeure. Un monde où les êtres, les cultures et les spiritualités sont en connexion mutuelle.
Monde où la géographie du désir et de la création tourbillonne au rythme des tambours. C'est une plongée dans la mémoire de la végétation, une découverte de l'histoire par la forêt dans une polyrythmie chaotique.
Delphine Durand, docteur en Histoire de l'Art